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Nathalie Gardes
25 février 2013

L'entreprise une coalition d'objectifs particuliers

L'étude des problèmes liés à la relation d'agence a pour origine les interrogations d'Adam Smith (1776) sur l'inefficacité des sociétés dont la direction était confiée à un agent non-propriétaire. « Les directeurs de ces sortes de compagnies (les sociétés par actions) étant les régisseurs de l'argent d'autrui plutôt que de leur propre argent, on ne peut guère s'attendre à ce qu'ils y apportent cette vigilance exacte et soucieuse que des associés apportent souvent dans le maniement de leurs fonds. Tels les intendants d'un riche particulier, ils sont portés à croire que l'attention sur les petites choses ne conviendrait pas à l'honneur de leurs maîtres et ils se dispensent très aisément de l'avoir. Ainsi, la négligence et la profusion doivent toujours dominer plus ou moins dans l'administration des affaires de la compagnie »A. Smith (1776, p.401). 

A. Berle et G. Means (1932) prolongeront la réflexion en montrant que la séparation entre la propriété et le contrôle conduit à une situation où la divergence des intérêts entre propriétaires et dirigeants est problématique. En effet, les grandes entreprises modernes seraient dirigées par des managers qui n'auraient aucune raison d'avoir les mêmes objectifs que les propriétaires du capital. La relation actionnaire/dirigeant est alors présentée comme un cas particulier de la relation d'agence. 

La conception de la firme selon la théorie de l'agence s'apparente à celle proposée par la théorie des droits de propriétéqui représente la firme comme une forme d'organisation de la production en équipe(A. Alchian et A. Demsetz, 1972). M. Jensen et W. Meckling (1976) ne feront qu'élargir la conception de A. Alchian et H. Demsetz (1972) en incluant dans leur analyse l'ensemble des contrats établis entre l'organisation et son environnement, et pas uniquement les contrats liés à la fonction de production. Complémentaire de l'économie des droits de propriété, la théorie de l'agence constitue aujourd'hui le cadre dominant d'analyse de la firme (M. Jensen et W. Meckling, 1976). « La firme y est conçue comme un ensemble de contrats qui, dans un univers d'information imparfaite, assurent la gestion des conflits individuels et canalisent les comportements à travers la mise en place d'incitations appropriées »P. Cohendet et P. Llenéra (1999, p.211). 

Ce courant propose de considérer les organisations comme un nœud de contrats. L'essence de la firme se trouve dans les relations contractuelles (employés, fournisseurs, clients). Celle-ci ne s'assimile pas à un individu, c'est une fiction qui sert de foyer à un processus complexe au sein duquel les objectifs conflictuels des agents sont amenés à l'équilibre à travers un ensemble de relations contractuelles. Son point de départ est donc l'analyse de la relation d'agence.

 


[1] A. SMITH « Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations » Tome 2, collection des principaux économistes, Otto Zeller, Osnabrück, 1966. Cité p.243 par H. GABRIE ET J.L. JACQUIER « Les théories modernes de l'entreprise : l'approche institutionnelle »Economica, 1999, 329 pages. 

[2] A. BERLE ET G. MEANS « The modern corporation and private property » Commerce Clearing House, N.Y., 1932. 

[3] La théorie des droits de propriété analyse comment les différents types et systèmes de droits de propriété agissent sur le comportement des agents individuels. 

[4] On parle de production en équipe lorsque le produit est le résultat de la coopération de différents agents sans qu'il soit possible de mesurer la contribution individuelle de chacun. 

[5] A. ALCHIAN ET H. DEMSETZ « Production information costs and economic organisation » American Economic Review, 1972, vol. 62, n°5, pp. 777-795. 

[6]M. JENSEN ET W. MECKLING « Theory of the firm: managerial behavior, agency cost, and ownership structure »Journal of Financial Economic, 1976, pp. 305-360. 

[7]P. COHENDET ET PLLENERA « La conception de la firme comme processeur de connaissances » Revue d'Economie Industrielle, 1999, n°88, pp. 211-235.

 

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Nathalie Gardes
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