Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Nathalie Gardes
12 août 2013

Antiselection

Les travaux de G. Akerlof (1970)(cf. encadré 1) ont introduit la notion d'antisélection, appelée aussi sélection adverse, selon laquelle l'incertitude sur la qualité de l'objet induit la possibilité de fraudes qui, du fait qu'elles peuvent être anticipées, débouchent sur des stratégies complexes pour s'en protéger. Dans ce contexte, la sélection adverse représente l'incapacité à obtenir une information exhaustive sur les caractéristiques de biens apparemment identiques. Il s'agit d'un problème d'opportunisme précontractuel résultant du fait que les individus détiennent des informations privées non accessibles au cocontractant.

 

G. Akerlof (1970) étudie le marché des voitures d'occasion et indique que les acheteurs et les vendeurs sont en situation d'asymétrie d'information. Les vendeurs connaissent mieux l'état de leur véhicule que les acheteurs et le dissimulent s'il est mauvais. Si l'on ne peut distinguer les bons des mauvais véhicules un prix unique s'établira sur le marché. A ce prix, les possesseurs de voitures en bon état refuseront de vendre, jugeant qu'ils pourraient obtenir un meilleur prix. Il ne reste donc plus sur le marché que les mauvaises voitures. Les acheteurs, en raisonnant de façon similaire, penseront n'avoir à faire qu'à des véhicules en mauvais état et n'achèteront pas au prix du marché. Ainsi, lorsque les individus ne disposent pas de la même information, les mécanismes de marché peuvent conduire à des impasses.

 

Concernant le secteur bancaire, le phénomène d'antisélection apparaît lorsque l'emprunteur conserve, même après un examen attentif par le créancier des informations disponibles, un avantage informationnel sur son partenaire. Le partage inéquitable du savoir concernant le risque de défaillance attaché aux crédits rend problématique l'identification des bons emprunteurs (J. Stiglitz et A. Weiss, 1981). Ainsi, à défaut de pouvoir fixer un taux d'intérêt qui corresponde au risque effectif du projet à financer, la banque applique un taux reflétant la qualité moyenne des emprunteurs. Une telle pratique conduit alors à pénaliser les individus dont le projet est peu risqué en leur faisant payer une prime de risque plus élevé que leur risque effectif, et avantage inversement les agents détenant des projets risqués ; la prime de risque facturée étant inférieure au risque réel de l'emprunteur. Comme sur le marché des voitures d'occasion d'Akerlof, les bons risques vont quitter le marché : il y a antisélection. Cet effet engendre potentiellement un phénomène de rationnement du crédit qu'il est possible d'analyser comme une solution imparfaite au manque de transparence et à l'hétérogénéité des différents projets d'emprunt.

 

[1] G. AKERLOF « The market for lemmons: quality uncertainty and the market mecanism » Quaterly Journal of Economics, 1970, n°84, pp. 488-500[2]

[2] Les dirigeants de l'entreprise sont, en général, mieux informés du projet à financer que les investisseurs.

[3] J. STIGLITZ ET A.WEISS « Credit rationing in markets with imperfect information » The American Economic Review, 1981, vol. 71, n°3, pp. 93-410.

Publicité
Publicité
Commentaires
Nathalie Gardes
Publicité
Newsletter
Publicité